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Flash-Sammlung – 
ein SUV für ukrainische Minenräumer

Eine Überarbeitung und Vorbereitung des Fahrzeugs war erforderlich, um sicherzustellen, dass es in einem guten Zustand für den Einsatz in einem Kampfgebiet war, insbesondere mit der notwendigen Antireflex-Mattlackierung, damit es nachts weniger sichtbar ist.

Eine Spendenaktion für einen SUV für die 121. Minenräumeinheit

 

Minenräumarbeiten sind von größter Bedeutung, da die Schrecken des Krieges nur durch die Entfernung der Minen verschwinden können. 

Die 121. Minenräumungseinheit  der in KROPYVNYTSKYI stationierten Territorialverteidigung (Armeekorps 7049 Ingenieure) greift entlang der Frontlinie ein, um die zurückeroberten Gebiete zu sichern.

Um ihnen auf ihrer Reise zu helfen, mobilisierte A.N. universitaire aixois sofort, nachdem sie über den gravierenden Mangel an Fahrzeugen vor Ort informiert worden war. Sehr schnell wurde ein Projekt ins Leben gerufen, um einen gebrauchten 4/4 zu kaufen, ihn mit Medikamenten und anderen Grundbedürfnissen zu beladen, ihn mit einem Freund in die Ukraine zu fahren und ihn den Minenräumern zu spenden. 

Um dieses starke Engagement zu erklären, erklärt uns A.N.: „Mein Onkel trat während des Spanischen Bürgerkriegs den Internationalen Brigaden bei; meine Mutter, ein Flüchtling mit ihrer Familie in der Dordogne, half dort von 1942 bis 1944 der Macchia.“ 

Ihn quälen auch Fragen nach der Natur dieses völkermörderischen Krieges: „Wenn Putin eine böse Macht verkörpert, die der von Hitler oder Stalin gleichwertig ist, wie soll man dann nicht reagieren?“ Wenn das Putin-Regime Europa zu seinem Feind erklärt hat, sollten wir es dann nicht bekämpfen? » 

Für ihn kann es nicht ausreichen, Petitionen und Plattformen zu unterzeichnen, wenn Kinder abgeschoben und Städte bombardiert werden.

Die Wahl des Fahrzeugs fiel auf das TUCSON-Modell der Marke HYUNDAI, ein Kompakt-SUV, dessen Zuverlässigkeit anerkannt ist. Die Abreise ist für Sonntag, den 4. Juni, geplant.

Zeigen Sie Ihre Solidarität und Ihre Unterstützung für den Widerstand des ukrainischen Volkes und helfen Sie uns bei diesem Projekt, das darauf abzielt, unschuldige Leben zu retten.

 

Eine Kollektion in Zusammenarbeit mit dem Verein Kalyna

 

Der Verein „Für die Ukraine, für ihre und unsere Freiheit“, der aus 130 Akademikern und zahlreichen Unterstützern der ukrainischen Sache besteht, interveniert in der Presse und führt zusammen mit gewählten Amtsträgern öffentliche Informationskampagnen zur Unterstützung der Ukraine durch. Zusätzlich zu diesen Maßnahmen wird vorgeschlagen, eine sehr konkrete Hilfe zum Sieg zu leisten, indem man denjenigen, die kämpfen, das zur Verfügung stellt, was sie brauchen.

Seit 2014 pflegt der Verein KALYNA ständigen Kontakt zu denen, die die Ukraine beschützen. Dank seiner Logistik und seines lokalen Netzwerks von Freiwilligen im gesamten Gebiet stellt es ihre Ausrüstung bereit. Sie organisiert auch Wohltätigkeitsaktionen zugunsten der ukrainischen Bevölkerung in Form von Sendungen adressierter Lebensmittelpakete, Medikamente und anderer Grundbedürfnisse.

www.facebook.com/kalyna.ua

www.kalynafr.org

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Kalyna/Für die Ukraine, ihre und unsere Freiheit
Ein 4/4 für die Minenräumer

Alexis Nuselovici ((Wes) beschloss, einen 4X4 an die 121. Minenräumeinheit der ukrainischen Territorialverteidigung zu liefern. Abreise am 4. Juni 2023. Minenräumer greifen entlang der gesamten Frontlinie ein, um die zurückeroberten Gebiete zu sichern. Sie verfügen jedoch nicht über ein eigenes Fahrzeug, was ihre Aktionen erheblich verlangsamt, was bemerkenswert ist, da Minen während und nach dem Krieg Soldaten und Zivilisten töten.  

Die 4x4-Blätter sind mit Medikamenten und anderen lebenswichtigen Produkten gefüllt, die durch Sammlungen und Spenden gesammelt wurden. Betrieb ermöglicht durch Florent Murer und sein Verein Kalyna.  

 

Ein Fahrzeug: Hyundai Tucson

Zwei Fahrer: Nicolas CONTI, Alexis NUS

Alexis NUS, Notizen aus einem Reisetagebuch

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Nicolas CONTI – Reisetagebuch

4.–8. Juni 2023

Dimanche/lundi

Deux mille kilomètres d’un voyage sur des autoroutes monotones. Italie, Slovénie, Hongrie.

Embouteillages à ne plus en finir. Pas 400 km qu’on a pris déjà 4 heures de retard.

Puis une panne en pleine nuit. La voiture qui s’arrête au milieu de nulle part.

La nuit noire. On se regarde.

C’est moi qui conduis. Rien, le moteur ne veut rien savoir.

On se regarde encore, mon pote et moi.

Deux vieux hiboux un peu paumés d’un coup.

On n’a pas dormi, on a à peine mangé. On est loin encore de l’Ukraine.

Le cerveau au ralenti. Fatigue. On ne sait quoi faire. Quelques minutes passent. Silence.

Alors je donne un autre coup de clé de contact.

La voiture repart. Elle avait besoin de s’arrêter un peu certainement.

On roule. Sans se le dire, mon pote et moi, on pense qu’elle va nous faire, de nouveau,  le coup de la panne. En moins rigolo.

La frontière. Enfin.

Quelque part dans ta tête tu crois qu’on va t’accueillir en héros. Tu crois que tu arrives au bout d’un exploit.

Premier contrôle, passeport, on ne comprend rien déjà. En échange un bout de papier.

Deuxième contrôle, plus sérieux celui-là. Se pointent Laurel et Hardy, en moins drôles.

Pas de bonjour, toujours pas d’accueil triomphal.

Pas de sourires.

Papers !!!

Encore nos passeports, et les lettres de missions. En ukrainien.

Rien à foutre. Le truc serait en chinois que cela lui aurait fait le même effet.

Dans un anglais qui t’arrache la bouche : des armes ?

Bien sûr, Monsieur Hardy, on en a plein, mais on ne va pas te le dire.

Open !! Open quoi ? Ah mon sac à dos.

Un truc qui brille, Monsieur Hardy s’en saisit. Une plaquette de mes médicaments. Il le scrute, dessus, dessous, le renifle, l’épluche, le Vidal à lui tout seul.

Une autre plaquette. Toujours mes médicaments.

La vieillesse se paye.

Avide, Monsieur Hardy continue son exploration.

Monsieur Laurel, lui ne bouge pas. Il semble s’ennuyer.

Monsieur Hardy est déçu. Alors il passe à la voiture. Là c’est du sérieux.

Enfin presque.

Open !!! Open quoi ? Ah ce carton ? Ce sont des bonbons.

Regard dédaigneux. Lui ce qu’il veut c’est arrêter des terroristes, devenir un héros dans son pays en guerre.

Lui complètement planqué à la frontière hongroise.

Open !!! Open quoi ? Ah cet autre carton ? Des boites de conserves.

Toujours raté ! pas d’armes !

Monsieur Hardy s’excite. Il entreprend. Il ouvre une portière et essaye de s’engouffrer dans la voiture. Pas possible. La voiture est pleine à craquer. Et lui c’est Monsieur Hardy.

On essaye de lui faire comprendre qu’on amène ça à ses « copains » qui se font trucider sur l’Est.

S’en tape.

Open !!! Putain encore ? Open quoi ? Ca ? Ce sont des produits d’hygiène.

Medicine ???? toujours un anglais à t’arracher la bouche.

Non, pas de medicine.

Enfin si, mais on ne le lui dit pas. Pas envie qu’il examine toutes les plaquettes une à une.

Il est un peu furax, Monsieur Hardy. Pas trouver de bombes, ni d’armes, ni de sales espions terroristes. Bon vu comment il n’a pas fouillé la voiture, rien d’étonnant non plus. Même une bombe atomique, on aurait pu la passer.

Toujours pas de sourire. Toujours pas d’accueil triomphal. Monsieur Hardy, d’un geste grossier nous fait comprendre de continuer.

Continuer où ?

Quelques pas. Une casemate.

Passeport !!!

Trois fois sur 200 mètres. On n’est pas arrivés à Lviv, mon pote et moi.

On ne voit pas la tête du mec enfermé dans sa casemate, mais on entend des coup de tampons.

Un feuillet tendu, tamponné.

Ouf fini, enfin. On va continuer notre chemin de héros.

Raté.

On a à peine fait 100 mètres.

Autre casemate. Autre contrôle.

On lui tend nos passeport et les lettres de missions.

Lui il sourit. Enfin. Il va nous dire qu’on est des héros.

Raté.

English ? Non pas d’english non plus.

En ukrainien, toujours en souriant. On ne comprend rien de rien. Il nous montre le feuillet que l’autre nous a refilé dans la guérite précédente.

On ne comprend toujours pas.

Le gars sourit toujours, s’en va dans sa guérite. Cherche. Reviens avec un autre feuillet. Il nous le montre. Sur le sien il y a un tampon, mais pas comme le nôtre.

D’un geste, toujours avec le sourire : demi-tour. On retourne à la première casemate.

Finalement vraiment pas arrivés à Lviv.

Mon pote retourne à la 1ère casemate. Revient. Rien compris. Arrive Monsieur Laurel. Mon pote part avec lui.

Moi j’attends près de la voiture, fait chaud.

Le temps passe.

30 minutes. Je commence à flipper. Ils ont fait quoi d’Alexis ?

Je rentre dans le bâtiment dans lequel il s’était engouffré avec Monsieur Laurel.

Je vais me faire arrêter, c’est sûr. Mais je suis un héros, non ? Alors je le cherche.

Rien. Disparu. Je flippe.

Je déambule dans les lieux. Pas un qui me demande ce que je fous là.

Personne.

Je ressors.

Qui je vois ? Non, pas mon pote.

Monsieur Laurel !!!!

English ?

Pas english non plus.

Mon pote t’en a fait quoi ?

Pas français non plus.

Là une femme soldat, avec des galons. Certainement plus cool.

Raté encore.

English ?

Yes

English enfin !!!

Je lui demande en lui montrant Monsieur Laurel, où est mon pote. Demandez-lui ce qu’il en a fait ?

Passport, in english ! Mais pourquoi elle veut mon passeport celle-là ? Ca fait trois fois sur 200 mètres qu’ils ont été contrôlés ! C’est mon pote que je veux retrouver.

Vraiment pas arrivés à Lviv.

Je retourne à la voiture chercher mon passeport.

Et là miracle. Monsieur Laurel dit un truc à Madame la soldate qui me dit de revenir.

Sans mon passeport, c’est ok.

On entre dans le bâtiment que je croyais avoir fouillé.

Raté aussi.

Je retrouve mon pote. Ils ne l’ont pas torturé.

Enfin pas vraiment.

Il est assis. Face à lui un autre type en uniforme. Bleu celui-ci.

Il tape sur un ordinateur.

Il fait quoi, je demande à mon pote. En français.

Il dresse la liste de tout ce qu’on a dans la voiture, me dit-il.

Tout ? Ils sont marteaux, je lui dis. Ils ont compris que c’est pour leurs frères d’armes ?

Oui, mais rien à battre.

Nature/quantité. Alors mon pote il répond au pif évidemment.

Kafka ou Ubu, au choix.

On n’est toujours pas arrivés à Lviv.

Enfin un tampon. Le bon tampon ?

On sort, avec le type à l’uniforme bleu. Arrive Monsieur Laurel.

Open the car. Alors on open the car une nouvelle fois.

On ouvre le coffre. Mais quand vont-ils nous accueillir en héros ???

What is this ? And this ?

Du thon. Tuna.

Ah, tuna.  Can I get some? Je peux en avoir ? Pas de scrupules. S’en fout que cela soit pour ses « potes » qui se font trucider sur le front de l’Est.

On lui donne deux boites.

Il est content. Monsieur Laurel ne nous demande rien.

On repart.

On a le bon tampon.

En route vers Lviv.

On a quitté l’UE, habitués à nos autoroutes bien lisses. La route est à moitié défoncée, deux voies. Des camions partout.

Décidément on ne va jamais y arriver. Plus de 24 heures que l’on roule.

Toujours pas dormi. Peu mangé.

Mon pote qui d’un coup se prend à vouloir faire du tourisme, à prendre des photos.

Je lui demande s’ils lui ont fait boire ou manger un truc spécial à la frontière. Un truc qui te donne de graves hallucinations. Un truc qui te choppe le cerveau et te le secoue un bon coup.

Non ? Alors on roule.

On se perd. Demi-tour.

On demande notre route. English ?

Pas english. On continue de se perdre.

Là, un type arrêté dans une belle voiture. English ? pas english non plus. Raté.

On tourne et retourne. On prend par-là, tant pis.

Station-service. Pas la peine de demander « english », on comprend vite, à sa tête,  que pas « english ». On lui montre le nom du patelin où on est censé arrivé.

Miracle.

Enfin presque. On croit comprendre qu’il faut continuer par-là et qu’il y a un pont, et là tourner à gauche. Tout cela en ukrainien, en gestes et en français. Un charabia d’enfer. De toute façon au point où nous en sommes…31 heures de voitures…

On repart. Un pont. On prend à gauche.

On roule. Tout droit. Et là on voit un type au bord de la route. On va lui demander en charabia notre chemin. Je m’arrête.

Je le regarde, il me regarde. Il sourit. J’ai compris

Mon pote a ressorti la carte pour lui demander notre route.

Je lui dis : regarde c’est ton pote, Volodia, qui nous attend.

Alexis est dans le brouillard complet, recherche sur sa carte et ne comprend rien de ce que je lui ai dit.

J’ouvre ma fenêtre. Volodia arrive vers nous, tout sourire, tend la main vers Alexis qui la lui serre sans rien piger, toujours empêtré dans sa carte.

Je lui répète, c’est ton pote Volodia, on est arrivé.

Mon pote, le visage qui s’illumine d’un coup. Qui comprend.

On est enfin des héros. Il est 19h00. 32 heures qu’on est partis.

« Volodia ? English ? »

Toujours pas.

 

Mardi/ Mercredi

Errances.

Il est trois heures du matin.

Lviv, ou du moins un patelin à côté. Chez Volodia.

On lui a laissé la voiture, des médicaments et de la nourriture pour une équipe de démineurs située sur le front est.

Il doit encore maquiller la voiture avant de l’emmener vers ses compatriotes.

Il est trois heures du matin et je ne dors pas. Mille questions. Est-ce la guerre ? Vraiment ? C’est comme cela, la guerre ?

Soudain la sirène se met à hurler, une voix en ukrainien par-dessus.

Malgré tout je comprends que cela ne sent pas bon.

Que faire ? Se lever ? Mais se cacher où ?

La maison est silencieuse. Mon pote ne s’est pas précipité dans ma chambre.

Volodia non plus.

Tout le monde dort. Et c’est tant mieux.

Je finis par m’endormir aussi.

Il est midi. Mardi. On déjeune.

On prend des photos. Pour nous, pour eux.

A leur façon, Volodia et son épouse nous disent merci.

Volodia nous accompagne à Lviv, vers notre hôtel.

Mission accompli. On est des héros.

On va jouer aux touristes à Lviv, pendant deux jours, avant de rejoindre notre avion à Cracovie, jeudi.

Mercredi Alexis doit rejoindre une université pour un colloque avec ses confrères ukrainiens.

Alors aujourd’hui on va faire quelques pas dans la vieille ville de Lviv.

Voir les restes d’une ancienne synagogue détruite par les nazis.

Autres temps. Autre guerre.

Autres gens ?

La lumière s’éteint brutalement. Je suis devant des stèles sombres, maculées de phrases dites ou écrites par des gens devenues cendres. Devenues des gravures sur des pierres. Sans traces, ou si peu.

Je regarde mon pote. Il est Juif. Je ne le suis pas.

Il m’est revenu un geste que j’ai vu dans un film. J’ai pris un caillou et je l’ai posé sur une des stèles.

Là, les émotions vont et viennent, curieux mélange. EUX qui ne sont plus. Et CEUX d’aujourd’hui qui ne sont plus.

J’ai envie de silence au milieu du bruit. Un air de trompette flotte.

Je m’assois et je ne pense à rien.

Faux !

Je pense à EUX.

Pourquoi ? Cela restera de toute façon sans aucune réponse rationnelle.

Je vois mon pote, mon frangin maintenant, plein d’émotions devant quelques écrits en hébreu. Il erre, silencieux. Ecoute certainement les voix de ces êtres de cendre. Il en fera un écrit bouleversant, c’est certain.

Le temps suspendu.

Pas vraiment envie de manger, ni l’un ni l’autre. Mais il faut tenter de vivre, comme dit le poète. Alors on va se manger une pizza…même en ukrainien on comprend ce mot : pizza !

On mange, on parle. On se refait un bout du monde tous les deux.

Demain matin, mercredi, on doit être interviewé par une journaliste.

Je laisserai Alexis y aller seul. Pas envie.

Je retrouve Alexis, après son interview.

On repart en touriste, cette fois-ci vers un mémorial de la SHOAH.

Encore une claque.

Encore envie de silence. Une stèle où on te dit que pratiquement 140 000 juives et juifs de Lviv et de ses alentours ont été envoyés se faire carboniser dans les camps de la mort.

140 000 êtres de cendres.

Et d’autres «  pourquoi ».

De l’autre côté du boulevard, face à ce mémorial, un petit musée sur le site où se situait le transfert de ces êtres déjà de poussière, vers leur fin.

On traverse, on arrive sur une esplanade. Des écrits sur des panneaux. En ukrainien et in english. Pas trop tôt.

Tu lis. Des banalités tellement poignantes, parce que banalités. Juives et Juifs.

On continue notre  chemin au travers de ces panneaux.

La grille. Qui ressemble vaguement à celle d’Auschwitz.

J’entre, accompagnés par les 140 000 âmes errantes.

Devant au loin, sur la droite, des baraquements tout beau tout propre. Sinistres à une autre époque.

En face, quelques dizaines de mètres de rail. Dessus un wagon à bestiaux.

Encore les émotions qui se mélangent. Et toujours ces « pourquoi » qui me hantent.

D’autres écrits, sur de la pierre. En ukrainien et in english.

Tu crois mal lire. Alors tu relis. Et encore des « pourquoi » : il est dit que ce camp a aussi servi à Staline pour éliminer un tas d’opposants.

Soit ! on extermine et on continue d’exterminer sous d’autres motifs. Sauf que le mélange des genres est un peu amer.

L’Ukraine, pays où je suis allé avec mon frangin Juif, apporter une maigre contribution pour sa liberté, l’Ukraine est un pays qui a participé activement aux massacres des Juifs. Certes l’ennemi de mon ennemi devient mon ami. Mais à quel prix ? Et pourquoi mélanger ces deux atrocités. Pourquoi les mettre ensemble.

Il n’y a pas de degré dans l’abominable.

Comprenez-moi : toutes les exterminations, tous les génocides sont et resteront des abominations.

L’extermination du peuple Ukrainien, dans les années trente, de par ce qu’elle représente, reste cette abomination.

Mais d’autres lui ressemblent.

Cependant la SHOAH, de par ce qu’elle représente, reste la SHOAH.

Rien ne lui ressemble.

Comprenez-moi une nouvelle fois : il n’y a pas de plus ou de moins dans l’horreur. Aucune n’est supérieure à l’autre.

Je regarde mon pote, mon frangin,  ce vieux hibou Juif. Que doit-il penser maintenant de sa venue en Ukraine ?

Quels mots mettre maintenant sur notre périple « héroïque »?

Comment peut-il justifier notre venue ici ? A lui-même ?

Je continue de marcher.

Entouré de 140 000 êtres faits d’éther. Epaules contre épaules, trainant des pieds vers un bref destin.

Le wagon.

Je monte dedans, les 140 000 âmes avec moi.

D’un côté, des sortes de bancs. Au milieu un poêle. Au fond, des valises empilées.

Certaines ouvertes. Mise en scène macabre.

Mais il faut du macabre par moment pour que l’oubli ne se fasse pas.

Tous s’entassent, s’entassent, s’entassent.

Je m’assois, face aux valises. Les 140 000 âmes continuent de s’engouffrer dans ce sinistre wagon.

Un moment.

J’appelle Alexis. Je lui demande de s’assoir à mes côtés.

Je vois ce vieux machin, ce vieil hibou, ce frangin, mon frangin,  ce Juif, s’assoir à mes côtés.

A une autre époque, il serait devenu lui aussi un être de cendre.

Silence.

A cet instant, je suis devenu Juif. Pour une courte éternité.

Mardi

Volodia nous ramène à Lviv en camionnette.

Adieu à sa femme/Embrassades.

La route de nouveau, mais pas grave Lviv n’est pas loin.

Ah tiens, Lviv, c’était à droite là. Nous, on va tout droit.

Tu sais où on va ?

Non, et toi ?

Non

On tente malgré tout en anglais : where are we going ?

Volodia, grand sourire. Pas compris. Evidemment.

On roule, il fait chaud. Je crois qu’on ne supporte plus la route, Alexis et moi.

On arrive. Où,  je n’en sais rien. On descend. Il fait vraiment chaud.

Arrive un type, une tête à faire des braquages de banques.

Volodia et lui ont l’air de frères d’armes.

L’Al Capone Ukrainien nous montre sa voiture (non, non, toujours pas d’english, soyez rassurés). On monte. Alexis devant, moi derrière.

Où est Volodia ? Même pas au revoir ?

Il  repart dans sa camionnette. Pas au revoir ? Pas cool.

Al Capone  prend le volant. Et suit finalement la camionnette. On repart en arrière, vers Lviv.

A la façon dont il conduit, c’est sûr qu’on va se faire une banque.

Finalement on arrive sur un parking au milieu de bâtiments qui n’ont rien à envier aux quartiers nord de Marseille. Volodia y laisse la camionnette. Et monte dans la voiture d’Al Capone. D’un coup, il y a moins de place derrière. Mais il ne nous a pas quitté sans nous dire au revoir. Promis je me lave la bouche au savon de Marseille pour avoir douté un instant de Volodia.

Volodia au téléphone. Des plombes. Et Al Capone qui conduit toujours comme si la moitié de la police de Lviv était à ses trousses. A part qu’on n’a toujours pas braqué de banque.

Autre route, même atmosphère d’immeubles sans goût, digne de la plus belle époque soviétique.

On s’engouffre dans une contre allée.

Finalement ce n’est peut-être pas une banque qu’on va se taper.

C’est peut-être un rendez-vous d’espions.

L’ambiance est un peu glauque.

Tu crois qu’on va nous présenter à des agents secrets ? Tu crois qu’enfin on va être des héros ? Une médaille ?

Mon pote se demande si je n’ai pas mangé un truc avarié chez Volodia.

Arrive Mata Hari.

Enfin ça aurait pu.

 Méga embrassade avec Volodia.

Elle prend place à l’arrière, coincée entre Volodia et moi.

Et…. She speaks non pas in english but in français ! Et en plus elle le speaks vraiment très bien.

Yes ! Yes ! Yes !

Enfin quelqu’un qui parle une langue civilisée. Ce n’est pas trop tôt.

Mais je suis un peu déçu, je pensais vraiment qu’on allait avoir un rendez-vous avec des agents secrets, ou avec le maire de Lviv, ou un général qui nous aurait serré dans ses bras, Alexis et moi. A qui on aurait dit « english ? », et lui nous aurait répondu d’une voix gutturale en ukrainien un truc qu’on n’aurait pas pigé, mais qui nous aurait fait vachement plaisir.

On repart tous les cinq. Al Capone a toujours la moitié de la police de Lviv aux fesses.

On est un peu serré derrière maintenant.

Mata Hari nous parle en français, banalités.

Tout de suite je m’inquiète de notre retour. Oui c’est vrai, ce n’est que jeudi notre départ, mais vu qu’on vient de passer 3 heures à rouler pour je ne sais quoi, je me dis que nos amis ukrainiens ont des habitudes identiques à leur langue : on n’y comprend rien.

Bon là je vous vois arriver avec vos gros sabots, vous dire, regarde-moi ce petit bourgeois de français, perdu :

  • dès que ça ne parle pas français,

  • dès que ça ne bouge pas français

  • dès que ça ne pense pas français

  • dès que ça ne mange pas français

Bon d’accord, j’aime bien la baguette et le camembert , mais il y a eu l’épisode Laurel et Hardy, le rapt manqué d’Alexis, les « english, jamais english », les 32 heures de voitures, la route à moitié défoncée et des camions partout pour venir à Lviv, Volodia qui nous trimbale pendant 3 heures, et on ne sait toujours pas pourquoi, Al Capone qui conduit comme s’il avait toujours la police aux fesses, la banque qu’on n’a pas braqué, et pour finir le général à la voix gutturale qui n’est jamais venu, je crois avoir le droit de râler un peu.

Ceci dit, et afin de clore le sujet, heureusement que je m’y suis pris à l’avance pour notre départ, sinon, jeudi,  on aurait raté notre avion, en Pologne, pour rentrer dans notre cher pays civilisé, où il se parle une langue normale, compréhensible.

Quoique ça dépend des moments, là aussi.

Comment Alexis ? Que dis-tu ? On a  quand même raté notre avion jeudi ? Ah, comme c’est étrange…

On arrive sur la vieille ville de Lviv, interdite aux voitures.

On descend tous de la voiture.

Finalement Al Capone n’avait pas de flics aux trousses.

Adieu Volodia/ Embrassades

Adieu Al Capone.

C’est bref mais intense.

Volodia et son ami repartent.

Mata Hari nous accompagne à notre hôtel, à pied.

Elle n’a pas trouvé de bus pour Cracovie. Elle recherche sur Blablacar.

Quelqu’un qui part pour Cracovie. Finalement j’ai eu tort de m’inquiéter, on a trouvé rapidement un moyen de transport.

Raté.

Finalement le gars ne part plus le même jour que nous.

Mata Hari nous dit de ne pas nous inquiéter.

On aurait dû.

On arrive à l’hôtel. Tenu par Beau Sourire, le cousin de Mata Hari.

Bel hôtel, super accueil.

Là où c’est moins rigolo : chambres au 5ème étage/pas d’ascenseur.

Mais ce n’est pas grave, Alexis et moi, on est des héros, non ? On n’a peur de rien.

Beau Sourire, english ? Pas english. Pourquoi ne suis-je pas étonné ?

Mata Hari nous dit qu’elle nous retrouve ce soir. Elle nous tient au courant pour le départ pour Cracovie. De ne pas nous inquiéter.

On aurait vraiment dû !

Alexis et moi on est devenus des touristes maintenant.

Touristes dans un pays en guerre. C’est une sensation des plus étranges car là où nous sommes, il n’y a aucune trace de cette guerre.

Si, des alertes, mais qui n’inquiètent personne. Une vie qui semble la plus normale qui soit. Peut-être un peu plus de militaires que dans un pays non en guerre. Mais pas d’armes, pas de chars, rien. C’est à se demander ce qu’est une guerre : des morts, de la chair écrasée, du sang, du glauque, des orphelins ? Ou bien ce que nous avons devant les yeux : une « normalité » ? Nos amis se sont inquiétés, impressionnés aussi,  « vous partez dans un pays en guerre ». Pour eux, nous sommes des héros, fantasmes de pays en guerre. Nous avançons au milieu du sang de cadavres putrides, prêts à être déchiquetés à notre tour.

Mais sincèrement nous n’avons rien fait d’héroïque.

Un peu de voiture, un peu de fatigue, des moments qu’on aurait aimé éviter pour la perte de temps occasionnée, et puis c’est tout.

Enfin presque, parce qu’on est « fier » de l’avoir fait.

Nous avons fait cela pour une raison simple, pour un mot très simple. Parce qu’Alexis et moi, nous aspirons à la même chose. A un même mot.

Liberté.

Jeudi matin.

(Le départ des héros.)

Vraiment le matin.

La veille, Mata Hari nous a dit qu’un taxi viendra nous chercher, à 400m de notre hôtel, à 6h.

C’est sûr ? Il vient bien, hein ? A 6h ? Faut pas qu’on rate ce bus, sinon on rate aussi notre avion.

Oui, oui. Pas de problème. Mon cousin a tout préparé.

Elle a fini par nous trouver un bus qui part pour Cracovie, à 6h 30, heure locale. Soit 5h30 en Pologne. Notre avion pour Marseille est à 16 heures.

Largement le temps.

Ben non.

Alexis, je dis. Le premier qui sort de sa chambre, frappe à la porte de l’autre. On ne sait jamais, si l’un de nous ne se réveille pas. Faut pas rater le bus. Ok ?

Ok.

Après un chouette repas avec Mata Hari, où enfin nous avons pu gouter des mets ukrainiens, nous rentrons à l’hôtel.

Beau Sourire nous attend. On boit un coup tous les 4, offert par Beau Sourire.

C’est à ce moment qu’on est devenu vraiment des héros, Alexis et moi : Beau Sourire nous a remerciés.

Vraiment.

Remerciés de notre venue. De notre geste.

Remerciés pour lui, pour son pays.

Photos. Pour nous, pour eux.

On se quitte. Encore des émotions.

Beau Sourire nous fait une nouvelle fois un beau et long discours.

Mata Hari traduit.

Nous, on se regarde. Deux vieux hiboux un peu fatigués. Mais heureux.

Embrassades.

Encore des émotions. De belles émotions. Des gens sincères.

Rien que pour cela, ça valait le coup de venir.

On va se coucher. Faut qu’on se lève tôt, demain. Pas question de rater le bus.

Cette fois, pas d’alerte pendant la nuit. Une nuit tranquille.

Une nuit dans un pays en guerre.

Je suis le premier à sortir de ma chambre. Il est 5h45.

Je frappe à la porte de la chambre d’Alexis.

Un temps.

Doit être sous la douche.

Je refrappe.

Alexis, pas réveillé. En caleçon/ tee-shirt. Une coiffure de sortie de lit précipitée.  Je sens comme une panique dans son regard.

J’ai pas entendu le réveil, qu’il me dit.

En fait non, son réveil n’a jamais  sonné. Il l’avait réglé sur un temps qui n’avait rien à voir avec notre départ. Mais vraiment rien.

Pourquoi ?

Trop fatigué ? Trop d’émotions ? Pas envie de partir ? Un amour insoupçonné pour la langue ukrainienne ? Aucune idée. Lui non plus.

Je l’attends.

Il se dépêche.

Faut pas trainer, on a un bus à prendre à 6h30. Faut pas le louper sinon on va rater notre avion, il n’y a pas d’autre bus pour Cracovie.

On se bouge, on choppe notre taxi. On n’essaye même pas « english ? ».

Le mec a été briefé, il sait où il doit nous amener.

Enfin on espère…

On arrive à une gare majestueuse. Les cars sont à côté, un peu en retrait.

Il est 6h20. Notre bus part dans 10mn.

On sort nos petites valises du taxi, et on suit notre chauffeur qui nous guide vers notre véhicule.

On presse le pas. Hors de question de rater ce car.

Une affichette sur la vitre du bus  : Cracovie.

Ouf, on est rassurés. On va pouvoir prendre notre avion.

Finalement j’ai été vraiment stupide de m’inquiéter.

Nous voilà dans le bus. On rentre chez nous. 6h de route.

Une paille, après nos 32 heures.

C’était sans compter sur nos amis douaniers polonais.

Je pense que nous sommes entrés dans le Guinness Book des records d’attente à une frontière.

En 8h on a du faire une distance abyssale de 100m.

Pourtant pas de Messieurs Laurel et Hardy polonais.

Pas de « english ? », « pas english ». Pas de Alexis devant un fonctionnaire pointilleux qui voulait absolument savoir, au gramme prêt, ce qu’on avait dans nos valises. Pas de mauvais tampons. Pas de « pas de sourire ». Pas de route défoncée encombrée de camions. Pas un pays en guerre. Pas un pays où on peut te soupçonner, à juste titre, d’être un ennemi, un saboteur.

Non, non.

Rien, on a juste poireauté.

Et moi qui pensais retrouver enfin la civilisation européenne.

Raté.

J’ai vécu, avec mon pote Alexis, un truc unique. Je sais, nous savons, que quelque part, notre voiture sillonne des coins où le danger est imminent. Je sais, nous savons, que nos médicaments soulageront un mal de tête, une blessure superficielle. Je sais, nous savons, que nos vêtements, notre nourriture, seront utiles à ces gens qui risquent en permanence d’y laisser leur peau, leur sang. De finir en charpie.

Je suis parti dans un pays en guerre. Là où la guerre ne semblait qu’illusion.

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