Pourquoi nous en appelons à la CPI
Première association à avoir alerté l'opinion publique et le gouvernement français sur la déportation et l’adoption d'enfants ukrainiens en Russie, Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! avait déposé en décembre 2022 une communication à la Cour pénale internationale (CPI) ayant contribué à la délivrance des mandats d'arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, sa « Commissaire aux droits de l'enfant » pour des faits alors qualifiés de « crimes de guerre ».
Ses avocats, Mes Emmanuel Daoud et Gabriel Sebbah, ont déposé en septembre 2024 une deuxième communication documentant l’ampleur des crimes commis contre les mineurs ukrainiens. Elle révèle l'étendue du réseau de complicité, qui implique largement le parti Russie Unie (R-U), et demande à la CPI d’étendre ses mandats à d'autres hauts responsables et de requalifier ces crimes afin d’accroître la pression judiciaire sur le
pouvoir russe.
L’enquête sur laquelle s’appuie cette communication démontre en effet le rôle déterminant de Russie-Unie, parti politique dominant dans toute la Fédération de Russie, et du mouvement Front Populaire Panrusse (ONF) , mouvement politique de coalition, tous deux sous contrôle de Poutine , dans la planification et la mise en œuvre de ces actes d’un processus planifié et systématique de déportation et d’adoption forcée de mineurs
ukrainiens en Russie.
Elle entend démontrer :
- La nature de l’organisation mise en place par le parti Russie Unie.
- La volonté génocidaire d’éradiquer l’identité ukrainienne des mineurs des territoires occupés.
Combien de mineurs sont-ils concernés ?
Il est impossible de chiffrer avec certitude le nombre d’enfants ukrainiens victimes des crimes russes et particulièrement de la déportation, dans un contexte d’occupation de 18% du territoire ukrainien et en raison du refus de la Russie de révéler les noms et endroits où résident les enfants volés. Les données disponibles varient donc selon les indicateurs retenus et les sources.
Il est cependant établi que sur 7,5 millions d’enfants présents en Ukraine avant le 24/02/22, il en reste aujourd’hui 3,2 millions. Les 4 millions manquants sont soit réfugiés en Europe, soit morts, soit déportés en Russie.
En croisant plusieurs sources (ukrainiennes, occidentales et russes) on estime a minima que plus de 300 000 enfants ukrainiens ont été déportés en Russie.
Mais ce chiffre est plus élevé encore si l’on se base sur les données du HCR (l'agence des Nations Unies pour les réfugiés) qui évalue à 3 millions le nombre de personnes transférées en Russie. Sachant que la pyramide des âges de l’Ukraine en 2021 indique que 15 % de la population a moins de 14 ans et 20 % a moins de 19 ans, cela représenterait un total de 450 000 mineurs.
Sur ce total, seuls 19 546 cas ont été officiellement documentés par les autorités ukrainiennes.
Même incertitude sur les rapatriements : l’ONG Save Ukraine en annonce 397. Mais ce chiffre qui concerne des mineurs isolés devrait probablement être multiplié par 3 s’agissant des rapatriements de mineurs accompagnés.
L’incertitude caractérise aussi le nombre d’adoptions, la Russie ne communiquant pas de données. Mais sur la base de données partielles et compte tenu des moyens (financiers, juridiques, logistiques, communicationnels...) dégagés par le régime de Poutine pour les
favoriser, il est plausible que le nombre de mineurs ukrainiens adoptés soit de plusieurs milliers.
Plus largement encore, si l’on considère l’ensemble des actions de russification forcée perpétrées par la Russie et décrites dans notre enquête, nous estimons qu’ils concernent environ un million de mineurs ukrainiens parmi ceux qui étaient présents en 2021 dans les territoires conquis par l’armée russe et dont la grande majorité n’a pu échapper à l’occupation.
En s’appuyant sur les données démographiques et l’évolution des territoires d’Ukraine contrôlés par les Russes, on peut en effet retenir qu’environ 7 millions d’Ukrainiens subissent encore l’occupation russe. Une projection à partir de la pyramide des âges indique alors que 15 % de la population a moins de 14 ans et 20 % a moins de 19 ans.
On en déduit donc que 1 à 1,4 million de mineurs ont été victimes d’au moins un des crimes documentés dans notre enquête.
La Crimée, la région de Tchernihiv (libérée après quelques semaines) et la région de Kharkiv (dont les habitants ont été en grande partie libérés) ne sont pas prises en compte.