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Nous soutenons la nomination de Vladimir Kara-Mourza pour le prix Nobel de la paix 2023

Vladimir Kara-Mourza

Vladimir Kara-Mourza, l'un des dissidents russes les plus en vue, figure parmi les derniers à ne pas s'être exilé et à lutter de l'intérieur.

Il fut condamné en avril 2023 à 25 ans de "colonie à régime strict".

Nous avons soutenu sa candidature à la nomination du prix Nobel de la paix 2023 et exprimons toute notre satisfaction pour sa libération en août 2024.

EXTRAITS - 

"En Russie, les changements politiques sont toujours inattendus. Le ministre tsariste Viatcheslav von Plehve, qui avant 1904 appelait de ses vœux une "petite guerre victorieuse", n'imaginait pas qu'elle déboucherait sur une explosion révolutionnaire et forcerait la monarchie à accepter une constitution, un parlement et la liberté de la presse. Vladimir Lénine, qui se plaignait aux sociaux-démocrates suisses en janvier 1917 que "nous, la vieille génération, ne vivrons peut-être pas assez longtemps pour voir les batailles décisives de cette révolution à venir", ne se doutait pas qu'elle n'était qu'à quelques semaines de là. Et personne, à l'été 1991, ne s'attendait à ce que, avant la fin de l'année, le parti communiste de l'Union soviétique soit interdit et l'Union soviétique dissoute.

La prochaine fois, le changement se produira exactement de la même manière - de façon abrupte et inattendue. Aucun d'entre nous ne connaît le moment précis et les circonstances spécifiques, mais cela se produira dans un avenir proche. La chaîne d'événements menant à ces changements a été déclenchée par le régime lui-même [avec son invasion totale de l'Ukraine] en février 2022. Ce n'est qu'une question de temps.

Et cela signifie, (...) qu'une fenêtre d'opportunité pour le rétablissement de l'État sur la base de principes démocratiques va bientôt réapparaître en Russie. Il ne s'agit pas d'une "fenêtre de garanties", ni d'une "fenêtre de résultat final", ni d'une "fenêtre d'avenir radieux et heureux", mais précisément d'une fenêtre d'opportunité que nous devons utiliser à bon escient et ne pas gaspiller une nouvelle fois, comme cela a été le cas dans les années 1990. C'est pourquoi il est si important d'avoir une conversation sérieuse, significative et publique sur ces occasions manquées - non pas pour une réflexion historique, mais pour éviter de marcher à nouveau sur le même râteau.

Personne ou presque ne peut contester que les dirigeants de la Russie démocratique des années 1990 ont manqué une occasion historique unique.

Nous n'avons pas le droit de répéter cette erreur lorsque l'occasion se présentera à nouveau. Toutes les archives doivent être ouvertes et publiées. Tous les crimes des régimes soviétique et poutinien doivent faire l'objet d'une évaluation appropriée au niveau de l'État. Toutes les structures impliquées dans ces crimes - en particulier le FSB - doivent être liquidées, et les personnes qui ont commis ces crimes doivent être tenues pour responsables devant la loi. Ceux qui ont mené des politiques répressives doivent être privés du droit d'occuper des postes gouvernementaux - et il ne s'agira pas d'une chasse aux sorcières (comme certains fonctionnaires actuels le crieront une fois de plus), mais de la protection nécessaire contre une nouvelle vengeance autoritaire. Et je voudrais insister (même si cela va de soi) sur le fait qu'il faut enquêter sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité : Pour enquêter sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par le régime de Poutine au cours de son agression contre l'Ukraine, nous devrons créer un tribunal international (sur le modèle des tribunaux similaires pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda), auquel tous les suspects, quels que soient leur rang et leur position, devront être transférés.

Ce n'est qu'ainsi, après avoir pleinement affronté et condamné ces crimes, que la Russie pourra véritablement se libérer du fardeau du passé et avancer vers la création d'un État libre et moderne, fondé sur le droit et les valeurs universelles. Ainsi, le pays pourra enfin éviter d'entrer dans le même vieux cercle vicieux, de sorte que la prochaine génération d'hommes politiques russes n'aura plus besoin de mener les mêmes vieilles discussions entre le camp de travail de Vladimir et la prison de Moscou.

EXTRAITS - Interview par Marie Mendras

 

La libération de l’Ukraine, c’est l’étape obligée pour espérer la libération des habitants de Russie et en premier lieu la libération des prisonniers politiques qui sont enfermés dans des conditions totalement intolérables. C’est une étape incontournable pour accélérer la fin du régime de Loukachenko au Bélarus. Ce message ici, en Europe, est très important à transmettre car tous ne voient pas clairement le lien entre les deux. Êtes-vous d’accord avec ce constat ?

Je crois que les dictatures et les régimes autoritaires liés au régime russe dépendent beaucoup de Vladimir Poutine. S’il n’y a plus de régime Poutine en Russie, Loukachenko ne sera pas capable de survivre politiquement. La même chose se produira dans d’autres pays autoritaires. Poutine et son régime sont comme un cancer qui métastase dans toutes les directions. Si on l’enlève, les autres pays seront délivrés aussi. La victoire de l’Ukraine est très importante. Non seulement les Ukrainiens ont le droit de choisir leur propre voie de développement et accéder à l’Union européenne, mais ils ont aussi le droit d’obtenir justice après tout ce que l’armée russe leur a fait subir. Je suis en colère quand j’entends dire que l’Ukraine devrait peut-être renoncer à une partie de son territoire, non pas pour apaiser Poutine, mais pour que la guerre finisse. Comment peut-on suggérer cela à un peuple qui a perdu des centaines d’enfants, des milliers de civils, et qui a vu ses villes détruites par une armée menant une guerre d’agression ?

La guerre en Ukraine est le résultat de plus de deux décennies d’impunité pour Vladimir Poutine alors qu’il entraînait la Russie dans plusieurs conflits militaires et réprimait la protestation pacifique dans son pays. Ni lui ni ses hommes ne se sont heurtés à des conséquences vraiment sérieuses après avoir envahi la Géorgie, annexé la Crimée et commis des crimes de guerre en Tchétchénie, après avoir écrasé les manifestants en Russie, après avoir utilisé l’assassinat politique comme un instrument d’élimination des opposants au régime. Le journal Novaïa Gazeta a perdu sept de ses journalistes, ils ont été tués. Boris Nemtsov, collègue et ami de mon mari, a été assassiné au pied du Kremlin en février 2015. Jamais on n’a inquiété les commanditaires de ce crime.

Vladimir a toujours expliqué que, quand les violations des droits de la personne sont considérées comme une affaire interne d’un pays, le moment arrive inévitablement où ces répressions internes se transforment en une agression externe. Ce sont deux phénomènes absolument indissociables, ce sont les deux faces de la même médaille. Je partage son analyse.

Le régime Poutine est désormais un régime totalitaire. Cette transformation s’est accompagnée de l’idéologisation de la population. Avant, c’était l’atomisation de la société. On exigeait de la population qu’elle ne se mêle pas des affaires de l’État. Au cours de l’année dernière, c’est l’idéologisation qui a été introduite à grande échelle. Par exemple, la semaine scolaire dans les écoles en Russie commence par une leçon de patriotisme. Il est demandé aux enfants de faire des signes de soutien au pouvoir. Cela nous rappelle l’époque d’Hitler.

Il faut attribuer le Prix Nobel de la Paix 2023 à Vladimir Kara-Mourza
Appel des universitaires, intellectuels, écrivains, artistes et responsables d’associations de la société civile en faveur de l’attribution du Prix Nobel de la Paix 2023 à l’opposant russe Vladimir Kara-Murza

Tribune parue dans le Monde en date du 22 septembre 2023 - Liste des signataires


 

Historien de formation, Vladimir Kara-Murza est un journaliste indépendant et un militant politique, devenu un symbole du combat contre la corruption et la répression en Russie.

Son engagement en faveur des libertés civiles remonte à plus de deux décennies. Proche de Boris Nemtsov, principal opposant au régime de Vladimir Poutine assassiné à Moscou le 27 février 2015, il a lui-même fait l’objet de deux tentatives d’empoisonnement en 2015 et 2017 dont Vladimir Kara-Murza a été arrêté le 11 avril 2022 à Moscou et condamné le 17 avril 2023 à 25 ans de détention en colonie pénitentiaire pour « haute trahison », notamment pour ses prises de position contre l’invasion de l’Ukraine et la guerre d’agression qu’y mène la Fédération de Russie. Détenu comme prisonnier politique, il risque aujourd'hui de passer le restant de sa vie en captivité.

En dépit des lourdes menaces pesant sur lui depuis plusieurs années, Vladimir Kara- Murza avait choisi de rester en Russie pour mener ses combats contre le régime tout en continuant de témoigner très régulièrement auprès des instances internationales en charge des droits de l’Homme.

Salué internationalement pour son courage politique, Vladimir Kara-Murza s’est vu l’an passé décerner le Prix Vaclav Havel des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, ce qui lui a permis de créer la « Fondation du 30 octobre », qui vise à venir en aide financièrement aux familles des prisonniers politiques russes et à instituer une journée internationale en faveur des prisonniers politiques dans le monde, sans distinction d’appartenance ethnique ou religieuse.

Vladimir Kara-Murza est déjà très diminué par plus d’un an de détention. Il souffre d’une affection grave qui, au regard du droit russe actuel, devrait exclure son enfermement en centre pénitentiaire, et il fait aujourd’hui en détention l’objet d’un acharnement arbitraire des autorités russes qui met sa vie en danger.

Pour toutes ces raisons, nous appuyons avec vigueur la candidature de Vladimir Kara-Murza au Prix Nobel de la paix 2023, déposée le 24 janvier dernier par la députée norvégienne, Ingjerd Schou.

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