Alexandre Skobov, un héros russe
- Pour l'Ukraine
- 3 avr.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 mai
Tribune parue dans Le Monde, en date du 13 avril 2024, sous le titre « En Russie, Alexandre Skobov paie un prix immense pour avoir nommé les choses haut et fort »
Alexandre Skobov a été condamné le 21 mars par un tribunal militaire de Saint-Pétersbourg, à 16 ans de prison pour « apologie du terrorisme » et « participation aux activités d’une communauté terroriste ». En réalité pour son opposition à la guerre contre l’Ukraine
Skobov a travaillé pendant de nombreuses années comme professeur d’histoire dans un lycée. À l’instar de Samuel Paty et Dominique Bernard en France, son nom devient un symbole de résistance à l’obscurité.
Skobov est un dissident dont l’histoire de lutte contre le totalitarisme a commencé à l’âge de 19 ans, au temps de Brejnev. Il a connu la prison et les hôpitaux psychiatriques punitifs.
Skobov est un commentateur politique et un penseur qui a livré une analyse précise et lucide de la nature du régime russe de Poutine, appelant à une résistance résolue à un moment où beaucoup, en Russie comme en Occident, se berçaient encore d’illusions.
Skobov a refusé l’émigration pour rester fidèle à lui-même, livrer son dernier combat et accomplir un devoir de solidarité avec les jeunes héros de la résistance — ceux qui sont partis combattre dans les rangs des forces armées ukrainiennes ou qui ont été envoyés dans un camp pour des actions de sabotage en territoire russe.
Skobov est un publiciste qui, contrairement à la majorité de ses collègues des médias russes dits indépendants, a refusé par principe de se soumettre aux lois répressives restreignant la liberté d’expression bien avant 2022. Rejetant l’autocensure, Skobov appelait l’annexion une annexion, l’agression une agression, et Poutine — le nouveau Hitler. Lors de son procès, il a également refusé de se plier aux règles du jeu : « Je ne reconnais pas et je ne respecte pas votre tribunal. » Il s’en est pris à « Cette clique au pouvoir qui pue les cadavres : dans la préparation, le déclenchement et la conduite d’une guerre d’agression, dans les crimes de guerre en Ukraine, dans la terreur politique en Russie, dans la corruption de mon peuple » avant de conclure en criant « Gloire à l’Ukraine ! »
Skobov fait tout ce qui est en son pouvoir pour que les « valeurs de 1945 » en Europe ne soient pas abandonnées sans combat. Il s’oppose à toute « normalisation » de l’inacceptable, milite pour une défaite militaire totale et un « démantèlement de la Russie nazie », plaide en faveur de frappes en profondeur sur le territoire russe, pour une participation directe de l’Occident à la guerre aux côtés de l’Ukraine et pour une lutte armée contre la tyrannie poutinienne à l’intérieur de la Russie.
« Une grande partie de mes écrits vise à démontrer la nature nazie du régime poutinien, avec lequel toute coexistence pacifique est par principe impossible. »
« L’objectif de tous mes discours était et est toujours de parvenir à une expansion radicale de l’assistance militaire à l’Ukraine, jusqu’à la participation directe des forces armées des pays de l’OTAN aux opérations de combat contre l’armée russe. Pour atteindre cet objectif, j’ai refusé d’émigrer et je suis allé délibérément en prison. À partir de là, mes paroles résonnent plus fort et pèsent plus lourd. »
Skobov a été arrêté il y a un an. Aujourd’hui, nous assistons — selon ses propres mots — à « une tentative immonde d’alliance purement impérialiste entre deux prédateurs ». Alors que la catastrophe progresse à une vitesse qui dépasse toutes les attentes, l’acte de Skobov prend tout son sens. Son inébranlable logique intérieure est parfaitement adaptée à ce moment historique, celui où « ce monde vole en éclats sous les coups de deux scélérats qui s’y attaquent de concert ».C’est une action contre la lâcheté, la procrastination et le bavardage infantile.
En choisissant d’aller à une mort certaine, Skobov espère être entendu : « Europe, on t’a trahie. Réveille-toi, et bats-toi pour ton monde. »
Pour avoir nommé les choses haut et fort, Skobov paie un prix immense. Et nous devons le comprendre : notre liberté, nos convictions, l’avenir de nos enfants devront être défendus par la lutte.
« L’avenir n’est pas écrit, — a-t-il rappelé dans une lettre à sa fille peu avant le verdict. — C’est une bataille. Et même si, à un moment de l’histoire, nous perdons une manche, la lutte continue. »
Aujourd’hui, il y a au moins 1 500 prisonniers politiques en Russie, sans doute davantage. Skobov est un véritable héros ; l’Europe ne doit pas l’abandonner, mais le défendre et le réclamer comme un des siens.
Contributions, analyses et portrait d'Alexandre Skobov peuvent être trouvés ici sur Desk Russie
Un article de 1979 paru dans Le Monde raconte les débuts d'Alexandre Skobov:
Alexandre Skobov, jeune militant soviétique, fut à 21 ans l'un des principaux animateurs d'une "opposition de gauche" à Leningrad à la fin des années 1970. Co-rédacteur de la revue dissidente "Perspectives", il organisait une commune où se réunissaient étudiants et intellectuels défendant un socialisme démocratique et pluraliste. Arrêté en octobre 1978, Skobov fut déclaré "irresponsable" après un examen psychiatrique forcé à l'institut Serbsky de Moscou, une méthode courante de répression soviétique contre les dissidents. Son procès devait s'ouvrir le 16 avril 1979, en son absence. Son collaborateur, Arcadi Tsourkov, fut condamné à cinq ans de camp à régime sévère pour "propagande anti-soviétique".
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La présente tribune est portée par:
Galia Ackerman, historienne, rédactrice en chef de Desk Russie
Dany Cohn-Bendit, ancien eurodéputé
Stéphane Courtois, historien
Michel Eltchaninoff, philosophe
Raphaël Glucksmann, député européen (Alliance progressiste des socialistes et démocrates)
Romain Goupil, cinéaste
Luba Jurgenson, enseignante, écrivaine et historienne
Jonathan Littell, écrivain
Ariane Mnouchkine, metteure en scène
Pierre Raiman, historien, co-fondateur de l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre!
Françoise Thom, historienne
Signataires
Universitaires
Jean-Loup Bourget, professeur émérite à l'Ecole normale supérieure
Bernard Bruneteau, professeur émérite des universités
Olga Camel, professeure des universités émérite
Laurent Coumel, enseignant-chercheur (INALCO, Paris)
Didier Coureau, professeur des universités en études cinématographiques Université Grenoble Alpes
Nicolas Ellison, anthropologue
Claire Kaiser, enseignante chercheure - université Bordeaux-Montaigne. Membre de PLU et d'autres associations franco-ukrainiennes
Jean-Pierre Gazeau, professeur émérite Université Paris Cité
Cédric Gossart, chercheur
Jean-Yves Guérin, professeur de littérature française à l'université Sorbonne nouvelle
Jacques Joly, professeur d'université
Bertrand Lambolez, chercheur
Jacques Larrieu, professeur émérite des universités
Yurii Latysh, Docteur en histoire, professeur invité à l'Université d'État de Londrina, personne déplacée originaire d'Ukraine
Gérard Lauton, universitaire (UPEC)
Sylvie Lindeperg, historienne, professeure à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Aude Merlin, professeure de science politique
Yann Moulier Boutang, professeur émérite en sciences économiques, Alliance Sorbonne Université, UTC
Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue
Laure Neumayer, professeure de science politique
Georges Nivat, professeur d'université
Alexis Nuselovici, professeur émérite, Aix-Marseille Université
Mireille Piot, professeur d'université émérite
Alain Rabatel, professeur émérite de sciences du langage, Université Claude Bernard Lyon 1
Sylvie Rollet, professeure émérite, présidente de Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre!
Emmanuel Siety, enseignant-chercheur
Emmanuel Wallon, professeur émérite de sociologie politique
Parlementaires
Constance Le Grip, députée, vice-présidente du Groupe d'amitié France-Ukraine et secrétaire du Groupe d'amitié France-Russie.
Premiers signataires
Esra Aykin, auteure, enseignante, citoyenne du monde
Vera Ammer, traductrice; membre de MEMORIAL Deutschland
Geneviève Andueza, conseillère du maire de Bordeaux, retraitée
Reynald Beaufort, retraité, ex-responsable d'un site d'information
Ioulia Berezovskaïa, Desk Russie
Cécile Berger, Atsem
Erik Bessmann, ingénieur de recherche
Etienne Boillet, Maître de conférences
Claudie Bourgaux, chercheur CNRS retraitée
Chantal Bourry, auteure
Marie Bret, professeur honoraire
Bernard Bret, professeur des Universités (en retraite)
Laurence Brihaye, retraitée éducation nationale
Mr. Bruter, retraité
Géraldine Cerf de Dudzeele, psychologue, psychanalyste, vice présidente de la CIPA
Anne & Laurent Champs-Massart, auteurs (littérature)
Cyprien Challine, recherche
Marc Chaudeur, écrivain, traducteur
Julie Chaumette, artiste
Marie-France Clerc, auteure
Philippe Cuinier, antérieurement directeur Développement économique et Enseignement supérieur
Frédéric Dejean, sylviculteur
Alexandra Denis, psychanalyste
Lucien Doljac, professeur retraité
Marie Dupuy Cherrier, professeur retraitée
Alain Eraly, professeur
Patrick Erard, auteur
Armand Farrachi, écrivain
Sylvie Finkelstein, traductrice
Fabienne Gillmann, artiste plasticienne
Élisabeth Godart-Benard, psychanalyste
Olga Grun, Professeure
Hervé Hajnoczy, conseiller en séjour
Catherine Hatinguais, traductrice
Beatrix Kersten, traductrice
André Klarsfeld, secrétaire-adjoint de l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre !
Laurent Jolissaint de Sepibus, professeur en ingénierie
Nicole Joskowicz, retraitée
Christophe Kopp, médecin
André Lange, co-fondateur du Comité Diderot
Martine Laroche, professeur retraité
Joanna Lasserre, architecte – urbaniste, présidente de l'Association Défense de la Démocratie en Pologne
Anne Laurent, traductrice
Olivia Lumbroso, professeur des écoles
Damien Marguet, maître de conférences
Florent Murer, président de Kalyna
Michel Picard, chercheur CNRS retraité
Patrick Puges, polytechnicien
Bernard Randoin, retraité (chercheur scientifique)
Antoine Rault, dramaturge et romancier
Philippe Raynal, enseignants
Yannis Roger, musicien et photographe
Michel Rostain, écrivain
Philippe Le Roux, référent régional Place publique Centre-Val de Loire
Emmanuel Roy, professeur de danse
Antoine Sabbagh, historien
Pascale Seydoux, enseignante
Gisèle Sztokman, professeure
Gérard Tancman, professeur retraité
Sylvie Thomas, professeure retraité
Marco M.I.Valdo, poète
Tobie Vatimbella, consultant
Nicolas Vatimbella, écrivain
Dominique Varma, professeure/auteure/ réalisatrice
Jean Vincent, sociologue retraité
Brigitte Wilputte, retraitée
Othar Zourabichvili, président de l'Association géorgienne en France
Autres signataires
Liste à jour en date du 31 mai 2025, 10h00, UTC +1.
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