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Les Jeux de Paris ne doivent pas être complices de la guerre contre l’Ukraine !

Dernière mise à jour : il y a 6 jours


Tribune parue dans Le Monde le 10 mars 2024, sous le titre « Les Jeux de Paris 2024 ne doivent pas être l’arène propagandiste des gladiateurs de Poutine »



Vladimir Poutine, aidé par les dictatures biélorusse, chinoise, iranienne et nord-coréenne, mène depuis deux ans une guerre d’agression de l’Ukraine dans le cadre d’un plan plus général de déstabilisation des démocraties libérales occidentales.

            

Les annexions et la russification forcées, les bombardements massifs des civils, les déportations d’enfants, les viols et les exécutions sommaires, et d’autres crimes de guerre, crimes environnementaux et crimes contre l’humanité perpétrés par la soldatesque russe et les mercenaires à la solde du Kremlin constituent une grave menace aux portes de l’Europe.

            

Or, comme les précédentes agressions militaires russes – occupation d’une partie de la Géorgie en 2008 et annexion de la Crimée en 2014 –, la guerre russe contre l’Ukraine s’inscrit dans la mise en scène mondialisée des Jeux olympiques, désormais ceux de Paris 2024. Elle s’appuie sur les liens de collaboration organiques de la Russie et de la Chine avec le Comité international olympique (CIO), son président Thomas Bach en particulier.

        

C’est au cours de la cérémonie d’ouverture des Jeux d’hiver de Pékin en 2022 que Xi Jinping et Poutine dévoilèrent leur projet d’inaugurer « une nouvelle ère des affaires internationales » pour y réaliser la « démocratie authentique dans un monde post-occidental ». Cent cinquante mille militaires russes appuyés par des colonnes de blindés étaient alors massés à la frontière ukrainienne.


Intensément préparée, alors que l’opinion internationale se laissait distraire par les champions de la glisse dans la plus grande dictature du monde, la guerre contre l’Ukraine fut finalement déclenchée le 24 février 2022, peu après la cérémonie de clôture des Jeux olympiques, mais juste avant le début des Jeux paralympiques.


Le CIO préoccupé par son chiffre d’affaires

            

A l’heure du décompte des médailles paralympiques, les militaires russes et leurs supplétifs s’étaient rendus coupables d’actes criminels de masse, en utilisant des missiles balistiques, des bombes à fragmentation et d’autres armes explosives à large zone contre les civils ukrainiens. Le gigantisme olympique encadré par l’appareil militaro-policier du parti-Etat chinois faisait encore son show et célébrait cyniquement la « paix olympique » quand la Russie et la Biélorussie rompaient la « trêve olympique », piétinaient pour la énième fois les principes fallacieux de la charte olympique, et violaient ouvertement le droit international.


Le Comité international paralympique (CIP) a su réagir rapidement et fortement à ces violations, en renvoyant de Pékin les athlètes des deux pays agresseurs. En revanche, Thomas Bach, maître d’œuvre des Jeux depuis 2013, s’est contenté le 28 février de recommander aux fédérations internationales d’exclure ces pays de leurs compétitions.


S’il avait lui-même respecté les principes olympiques, il n’aurait pas offert à Poutine et au régime totalitaire de Xi Jinping les diversions sportives et les arguments de propagande dont ils avaient besoin. Il aurait dû réagir solennellement aux menaces russes d’invasion de l’Ukraine dès avant le début des Jeux de Pékin. L’Ukraine étant ensuite à feu et à sang, l’Europe menacée de frappes nucléaires, le CIO semblait surtout préoccupé par la croissance de son chiffre d’affaires…


Le CIP et le CIO ont autorisé les athlètes russes et biélorusses, ainsi que leur personnel d’encadrement, à participer aux Jeux de Paris sous une prétendue « bannière neutre », avec l’approbation de la ministre française des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, du président du Comité d’organisation des JO de Paris, Tony Estanguet, et du président du Comité national olympique et sportif français, David Lappartient.


A la suite de cette décision à la fois scandaleuse et opportuniste, l’ancien ministre des sports ukrainien Matvi Bidny a posé le problème de manière cruciale : « La neutralité à l’heure où l’Europe doit faire face à la guerre la plus sanglante depuis la seconde guerre mondiale et où une nation tente d’en détruire une autre est synonyme d’irresponsabilité et de complicité avec les assassins. La Russie est le seul État qui a violé la trêve olympique à trois reprises. La Russie est le seul État qui organise des compétitions concurrentes des Jeux olympiques. La Russie est le seul État qui menace de venir aux Jeux olympiques avec des tanks. Que faut-il que la Russie fasse de plus, qui doit-elle encore tuer pour que le CIO cesse de regarder de façon positive ce pays terroriste ?  »


Système mafieux


Nul ne peut ignorer que les sportifs russes et biélorusses qui viendront parader sur la « Seine olympique » et concourir sur des installations olympiques françaises sont totalement inféodés au système mafieux poutinien. Les militaires, policiers, agents-espions et membres des clubs contrôlés par les services de renseignement russes et biélorusses (FSB, GRU, KGB) ou par les oligarchies associées au Kremlin sont sous le contrôle de tout l’appareil de sélection, de préparation et de mise en condition physique et idéologique de l’élite sportive. Ils jouent en tout temps et en tout lieu le rôle d’ambassadeurs de la volonté de puissance de Poutine.


C’est pourquoi les sélectionnés olympiques russes et biélorusses que le CIO entend faire passer pour des « athlètes individuels neutres » n’auront de cesse de poursuivre dans les stades la guerre qui ravage Kharkiv, Marioupol, Bakhmout, Lviv ou Kiev.

            

Mykhaïlo Podoliak, le conseiller du président ukrainien, Volodimir Zelensky, est tout à fait lucide sur ce point : « Permettre la participation des Russes aux Jeux paralympiques (…), premièrement, prolonge la guerre et, deuxièmement, encourage la Russie à augmenter les niveaux de violence de masse en Ukraine. » L’intensité des bombardements russes sur des cibles civiles, les bâtiments publics et les installations économiques ne le dément pas.


Il n’est nullement exclu par conséquent que les Jeux « humanistes et inclusifs » de Paris soient boycottés par un pays martyr, privé de nombreux sportifs réquisitionnés, morts sur le front ou gravement mutilés, qui refuse de cautionner l’imposture de la « paix olympique » symbolisée par la présence des nervis et légionnaires de Poutine et de Loukachenko [le président biélorusse].


Stratégie d’influence


L’enjeu sécuritaire principal des Jeux de Paris, au-delà des menaces potentielles d’attentats, notamment islamistes, est donc impérativement de protéger l’Ukraine, et à travers elle la France et l’Europe démocratique tout entière, contre la volonté destructrice de Poutine. Les athlètes russes et biélorusses constituent en effet une composante majeure de la stratégie d’influence du Kremlin.

            

A l’heure où les menaces de Poutine contre les Etats-Unis, l’Union européenne et la solidarité occidentale avec l’Ukraine se multiplient, et où il écrase toujours plus cruellement toute forme d’opposition interne, comme vient encore de le démontrer la liquidation d’Alexeï Navalny dans une colonie pénitentiaire, les Jeux de Paris, qui prétendent célébrer l’idéal « de paix et d’amitié entre les peuples », ne doivent pas être l’arène propagandiste des gladiateurs de Poutine.


La responsabilité morale du président de la République, Emmanuel Macron, et des élus de la nation est directement engagée. Au nom de la souveraineté politique de la France et de sa dignité, et parce que nous refusons que l’olympisme puisse servir d’alibi pour renforcer la guerre contre l’Ukraine qui devrait dorénavant faire partie de l’Europe, nous les appelons à refuser d’accueillir les mercenaires sportifs de Poutine, de Loukachenko et de leurs alliés cobelligérants.

            

Dans le cas contraire, les Jeux de Paris se déshonoreraient en offrant un scandaleux podium à des régimes totalitaires. Et le CIO montrerait à nouveau sa complaisance honteuse à leur égard, comme ce fut déjà le cas lors des Jeux de Berlin en 1936, de Moscou en 1980, de Pékin en 2008 et 2022, et de Sotchi en 2014.




Signataires

 

Marie-Jo Bonnet, historienne et écrivaine

Jean-Michel Besnier, professeur émérite de philosophie à l'Université Paris-Sorbonne

Jean-Marie Brohm, sociologue, professeur émérite des Universités

Gilles Bui-Xuan, professeur émérite des Universités en STAPS

Ronan David, sociologue

Renée Fregosi, philosophe et politologue

Joëlle Garriaud-Maylam, sénatrice honoraire

André Gattolin, chercheur à l’Université Sorbonne nouvelle et ancien parlementaire

Christian Godin, maître de conférences émérite de philosophie à l’Université Blaise-Pascal de Clermont Ferrand

Volodymyr Kogutyak, vice-président de l’Union des Ukrainiens de France

André Klarsfeld, secrétaire de l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre !

Étienne Klein, physicien, essayiste

Catherine Louveau, sociologue, professeure émérite des Universités en STAPS

Isabelle de Mecquenem, professeur de philosophie à l’Université de Champagne-Ardenne

Ariane Mnouchkine, directrice du Théâtre du Soleil

Florent Murer, président de l’association d’aide humanitaire à l’Ukraine Kalyna

Nicolas Oblin, sociologue, enseignant à l’INSPE de Nantes

Fabien Ollier, directeur de la revue Quel Sport ?

Laetitia Petit, maître de conférences-HDR à l’Université Aix-Marseille

Pierre Raiman, co-fondateur de l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre !

Sylvie Rollet, présidente de l’association Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre !, professeure émérite des universités en études cinématographiques à l’Université de Poitiers

Louis Sala-Molins, professeur émérite de philosophie aux Universités Paris I Sorbonne et Toulouse 2 Jean Jaurès

Annie Sugier, présidente de la Ligue du Droit International des Femmes

Pierre-André Taguieff, philosophe et politiste, CNRS

Nicolas Tenzer, enseignant à Sciences Po Paris.

Patrick Vassort, maître de conférences-HDR en sociologie à l’UFRSTAPS de Caen

Yves Charles Zarka, philosophe, professeur émérite à l’Université de Paris Cité


En collaboration avec Quelsport.org 



 

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