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Il faut porter la cause de l’Ukraine à l’Assemblée nationale

Dernière mise à jour : 25 sept. 2023

Réagissant à la guerre de destruction engagée en Ukraine depuis la fin du mois de février 2022, cent trente universitaires ont fondé le collectif « Pour l’Ukraine, pour leur liberté et la nôtre ! ». Dans cette tribune, ils appellent les députés, actuels et prochainement élus, à défendre la cause ukrainienne à l'Assemblée nationale.




Mesdames et Messieurs les députés, candidates et candidats à la députation,


Les multiples crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis depuis plus de deux mois par l’armée russe suscitent la colère et l’effroi à travers le monde. La destruction totale de Marioupol, la découverte des exactions commises contre des civils à Boutcha, Irpin et ailleurs, les viols de femmes et d’enfants utilisés comme des armes de guerre dans les zones sous occupation russe, les déportations d’enfants et d’adultes en Russie, renforcent l’urgence d’une politique déterminée de soutien à l’Ukraine. Il y va d’un principe d’humanité, de responsabilité politique comme de lucidité stratégique face aux risques que fait peser l’invasion russe sur l’intégrité territoriale de ses voisins.


C’est l’un des enjeux majeurs des élections législatives de juin 2022.


Nos compatriotes se sont mobilisés en très grand nombre, dans un élan généreux pour aider l’Ukraine et accueillir les Ukrainiennes et les Ukrainiens qui ont trouvé refuge chez nous, comme dans toute l’Europe. La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité et Eurojust, l’agence judiciaire de l’Union européenne, a créé une équipe commune d’enquête (JIT).


Mais le temps de l’instruction judiciaire n’est pas celui de la guerre. L’exigence d’un arrêt immédiat de l’agression menée par Vladimir Poutine est l’affaire de toutes et de tous, et au premier chef celle de la représentation nationale. Un débat public doit être organisé sur les moyens d’un renforcement de la politique française et européenne en faveur de l’Ukraine. Car, pour faire cesser cette guerre où les mensonges grotesques et incessants préparent, permettent et absolvent les crimes, encore faut-il intensifier les sanctions contre l’agresseur, accroître l’aide humanitaire, économique et militaire pour soulager les populations, mais aussi renforcer la résistance et lui procurer les moyens de lutter et de vaincre.


Cette assistance – et particulièrement l’aide militaire – est une question de vie ou de mort pour l’Ukraine en tant que nation, et plus encore pour ces femmes et ces hommes qui luttent pied à pied, avec un courage et un dévouement qui forcent l’admiration. Ils et elles font face à la plus brutale agression qu’ait connue le sol européen depuis 1945 : une armée et ses mercenaires, servis par une puissante machine de mort, elle-même soutenue par une industrie de propagande, bombardent les villes comme les campagnes pour étouffer une jeune démocratie et juguler les droits de ses citoyens.


La terreur de masse que pratique cette armée est la conséquence directe du mensonge de masse à la source de l’agression que Poutine a planifiée avec ses obligés et ses séides. C’est contre ces mensonges que tentent de résister, au péril d’une répression brutale, nombre de Russes et de Biélorusses, universitaires, journalistes, artistes ou manifestants, auxquels nous devons apporter le plus ferme soutien.


Le régime russe actuel revendique ouvertement sa continuité avec l’Union soviétique, y compris avec la terreur stalinienne, en justifiant ses violences par la grandeur impériale. Il est clair qu’en cas de victoire russe, tôt ou tard, les pays voisins et toute l’Europe seraient gravement déstabilisés et menacés, contraints de lui faire barrage dans des conditions encore plus périlleuses, ou bien de lui céder dans des conditions toujours plus honteuses.


Une perspective, pourtant, se dessine timidement après plus de deux mois de combats : celle d’une résistance victorieuse de l’Ukraine, soutenue par la France et ses alliés. Malgré la notable infériorité numérique et matérielle des forces de Kiev, les pronostics d’un effondrement physique et moral du pays ont été démentis. Un peuple, sa société civile, ses institutions démocratiques, avec ses élus municipaux et nationaux, ont tenu bon, en se montrant inventifs et solidaires, au prix de dizaines de milliers de morts, hélas.


Pour nous tous et particulièrement pour vous, qui nous représentez et portez devant l'Assemblée nationale la voix des citoyennes et des citoyens, cette résistance est un exemple et un trésor. L’Ukraine appelle la France et l’Europe à l’aide, mais elle ne le fait pas en voisine nécessiteuse et apeurée. Nous avons à apprendre d’elle. Nous avons besoin de l’Ukraine, de son intelligence collective, de son esprit d’unité et de solidarité retrouvées pour défendre la liberté et la démocratie sociale chez nous, et pour construire ensemble l’avenir européen. Sa souveraineté sera un formidable atout pour l’Union européenne, à la fois sur le plan économique, politique, social et sécuritaire.


Dans l’immédiat, afin de soutenir l’Ukraine et d’éviter une aggravation du conflit, il convient de poursuivre et d’accentuer la politique extérieure française et européenne dans plusieurs directions. C’est pourquoi nous vous demandons de vous engager dès maintenant, et demain si vous êtes élus, à porter dans l’enceinte parlementaire les exigences suivantes :

  1. Un soutien humanitaire, matériel et militaire apporté par notre pays, en réponse aux demandes du gouvernement ukrainien, en liaison avec nos partenaires européens et nos alliés ;

  2. Un accueil facilité et permanent des réfugiés venant d’Ukraine, de nationalité ukrainienne ou non ;

  3. Un soutien sans faille à la liberté de pensée, de création, d’information et d’expression en Russie et en Biélorussie, en vue d’obtenir la libération de tous les individus emprisonnés à cause de leur opposition à la guerre ;

  4. La suspension des investissements et des activités commerciales civiles des entreprises françaises en Russie et l’interdiction de celles qui concourent à des fins militaires ou policières ;

  5. L’arrêt immédiat de l’achat du charbon, du pétrole et du gaz russes, dont les revenus financent la machine de mort de Poutine ;

  6. Un engagement à respecter les frontières internationalement reconnues de l’Ukraine, et à ne pas exercer de pressions sur son gouvernement au cours des futures et souhaitables négociations de paix ;

  7. Un effort réel pour accréditer dès maintenant, compte-tenu des circonstances exceptionnelles, la candidature de l’Ukraine à l’Union européenne et pour accélérer le processus de son adhésion ou de son association.

Mesdames et Messieurs les députés, candidats et candidates, vous ne briguez pas seulement des sièges pour mettre en œuvre les projets auxquels vous avez souscrit. Depuis le 24 février 2022, vous avez rendez-vous avec l’histoire. Ce rendez-vous nous est imposé par une dictature brutale et barbare. Son assaut nous oblige, car il y va de la défense des valeurs démocratiques et sociales, des principes du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de la démocratie politique et des libertés civiques, mais aussi de la démocratie comme forme d’action et de vie. Car ce qui se joue aussi dans ce conflit aux résonances mondiales, c’est l’irréductible antagonisme de la démocratie, de son exercice véritable, et des régimes autoritaires ou totalitaires, de plus en plus agressifs. Entre les deux, le choix n’est pas seulement d’une partie contre une autre, il constitue une mise à l’épreuve décisive de notre fidélité à l’esprit de la démocratie et à ses institutions de liberté effective.


Aujourd’hui, ces valeurs, ces principes, ces espoirs que nourrissent la France et l’Europe s’illustrent en première ligne à Kyiv et sur le front ukrainien.


Afin d’être ensemble au rendez-vous de l’histoire, nous sollicitons votre engagement sur ces sept points. Et comme c’est l’affaire de chacune et de chacun, nous demandons à celles et ceux qui partagent nos exigences de vous écrire, au-delà des engagements partisans, afin que les députés de notre pays portent haut la cause de l’Ukraine en entrant à l’Assemblée nationale.

Gérard Bensussan Professeur des universités émérite en Philosophie, université de Strasbourg.

Catherine Coquio Professeure des universités en Littérature comparée, université de Paris Cité.

Luba Jurgenson Professeure des universités en Littérature russe, Sorbonne université.

Alexis Nuselovici Professeur des universités en Littérature comparée, Aix-Marseille université.

Pierre Raiman Doctorant en Histoire contemporaine, Université Panthéon-Sorbonne.

Sylvie Rollet Professeure des universités émérite en Études cinématographiques, université de Poitiers.

Emmanuel Wallon Professeur des universités en Sociologie politique, université Paris Nanterre.


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